Le vertige de l’or numérique – Actuel Nouvelle-Calédonie
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Le vertige de l’or numérique

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A notre demande il réalise une série d’articles de vulgarisation sur l’interaction entre les évolutions technologiques et le droit. Après les drones, la justice prédictive, l’intelligence artificielle … il nous parle aujourd’hui des monnaies virtuelles et de la première d’entre-elles : le bitcoin (₿).

Lors de sa création 1₿ valait 0.000764 $. En 2011, le bitcoin atteignait 1$, puis 100$ en 2013. Le 20 novembre 2017, il vient de pulvériser son record : 1 ₿ vaut 11.000 $. Dit autrement, si en 2009 vous avez acheté pour 100 F de bitcoins, vous disposez, 8 ans plus tard, d’une valeur d’un milliard de francs CFP. Vertige disions-nous !

Cette incroyable réussite appelle quelques explications. Pour faire simple, la monnaie est un moyen d’échange contre des biens et des services que l’on achète. Elle n’est qu’un instrument et souvent a une valeur matérielle plus faible que la valeur faciale : une pièce de 100 F vaut moins que 100 F. La monnaie repose donc sur un élément essentiel : la confiance. Confiance en sa valeur future, c’est-à-dire sa capacité intrinsèque à maintenir a minima sa propre valeur pour de futurs échanges. Pour créer cette confiance, une monnaie présente nécessairement trois caractéristiques essentielles :
– Elle est rare.
– Elle est difficile à reproduire.
– Elle est facile à transférer.
C’est une des raisons qui ont fait que, très tôt, les hommes ont utilisé comme monnaie des coquillages ou des métaux, tels l’or et l’argent : rare, difficile à reproduire et facile à transférer. Plus proche de nous, les billets de banque répondent aussi à ces trois critères en raison de l’intervention des organismes gouvernementaux qui techniquement rendent difficile leur reproduction et qui en contrôlent la diffusion, donc leur valeur monétaire.

Les bitcoins ont acquis très tôt la confiance des consommateurs et des investisseurs

De façon originale, le Bitcoin repose sur un protocole informatique de transactions cryptées et décentralisées, aussi appelé blockchain. Il s’agit d’un fonctionnement en réseau sans intermédiaire, à l’inverse des monnaies contrôlées par les banques centrales ou les gouvernements.
Le Bitcoin peut être accepté comme moyen de paiement sur certains sites internet, mais aussi auprès de certains commerces de proximité (y compris en Nouvelle-Calédonie s’ils l’acceptent). Il peut être converti en monnaie comme le dollar ou l’euro. En effet, le bitcoin permet de répondre aux trois critères mentionnés plus haut. Pour schématiser, chaque bitcoin, que nous nous représentons comme une monnaie, est en fait une solution unique à un problème mathématique élaboré dès l’origine par son inventeur.

De par sa conception originelle, il existe un total maximum de 21 millions de solutions différentes à ce problème mathématique. Et même si de nouveaux bitcoins apparaissent chaque jour il est d’ores et déjà acquis mathématiquement qu’il n’y aura jamais plus de 21 millions de bitcoins en circulation. C’est donc une valeur rare et infalsifiable.

À ce jour, 70% de bitcoins sont en circulation et au fur et à mesure que le gisement s’épuise la valeur unitaire du produit augmente, comme les pépites dans une mine d’or. Cela fonctionne tellement bien que des internautes ont eu confiance dans le fait qu’il pouvait acheter des biens, des services, des euros ou des dollars avec des bitcoins. Le Bitcoin a donc acquis une valeur proportionnelle à cette confiance.

Est-ce pour autant juridiquement une monnaie ?

Au plan international, certains pays se sont prononcés, de façon assez diverse sur ce point, suivant les objectifs poursuivis (lutte contre l’évasion fiscale, lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, développement économique…). Si le Maroc a définitivement banni le bitcoin, l’Allemagne a quant à elle rangé les monnaies virtuelles parmi les instruments financiers. La nature juridique des monnaies virtuelles n’est, en droit français, toujours pas tranchée.

Il est permis de considérer le bitcoin comme une simple unité de mesure monétaire, sous forme électronique, qui ne permet de réaliser des paiements qu’au sein d’une communauté d’acteurs qui reconnaissent la valeur de cette unité monétaire. Mais cela ne rend pas compte de la réalité économique exposée ci-dessus. Au regard de notre droit civil, le bitcoin peut être considéré comme un bien meuble incorporel valorisable, utilisé comme outil spéculatif. Mais dans le même temps, au regard du code monétaire et financier, les monnaies virtuelles ne paraissent pas pouvoir être assimilées à une marchandise ou à une matière première. Et pourtant de son côté, la Direction générale des douanes et droits indirects métropolitaine relève qu’il serait intéressant de considérer certaines de ces monnaies virtuelles comme un bien similaire à l’or, ou de les classer sous une même appellation d’« instrument de paiement », ce qui les ferait alors toutes entrer dans le champ de contrôle de la douane. Toutefois, cette seconde option risquerait d’entraîner une confusion avec les moyens de paiement encadrés eux par le code monétaire et financier. De son côté, l’administration fiscale a rajouté les bitcoins à la liste non exhaustive des biens composant le patrimoine du défunt qui doivent figurer dans la déclaration de succession.
Et la Cour de Justice de L’union Européenne considère depuis le 22 octobre 2015 que Bitcoin est un moyen de paiement et qu’à ce titre il peut bénéficier des exonérations de TVA prévues pour les opérations financières.
Bref, l’émission des monnaies virtuelles ne répond aujourd’hui à aucune qualification claire au regard de la réglementation en vigueur et demeure un outil très peu encadré.
Alors, To B or not to B ?

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La monnaie électronique reste aujourd’hui hautement spéculatif. Le Bitcoin est extrêmement volatil : le prix peut varier à la hausse comme à la baisse en très peu de temps et est largement imprévisible. Pour Christine Lagarde, directrice générale du FMI, si les devises virtuelles actuelles sont « trop volatiles, trop risquées, trop consommatrices d’énergie », ainsi que « trop opaques pour les régulateurs » elle estime pourtant qu’il ne serait pas sage de les ignorer, a-t-elle souligné dans un discours fin septembre à Londres. À Pékin, le gouvernement chinois semble l’avoir bien compris. La banque centrale chinoise a certes sommé mi-septembre les plateformes d’échanges de monnaies virtuelles basées à Pékin et Shanghai de cesser leurs opérations de marché. Mais elle a aussi établi un institut de recherche dédié au blockchain et se prépare ouvertement à la création d’une monnaie virtuelle étatique.

En Nouvelle-Calédonie, aucune règle n’interdit d’acquérir des bitcoins. Pour en acheter vous pouvez vous rendre sur des sites d’échange de bitcoins ou physiquement à la maison du bitcoin à Paris, qui ne désemplissait pas en ce mois de novembre. Mais gardez à l’esprit que le Bitcoin repose sur un marché non régulé, cette monnaie virtuelle n’a pas de cours officiel. Il s’agit d’un environnement informatique qui a ses propres règles, qui peut s’avérer non adapté aux personnes qui ne sont pas suffisamment technophiles et averties. Compte tenu de sa forte volatilité, ce marché est risqué.

« N’investissez que ce que vous êtes prêts à perdre », recommande Jacques Favier, coauteur de « Bitcoin, la monnaie acéphale » aux éditions du CNRS. En matière de monnaie électronique, nous ferons nôtre cette recommandation !

 

Par Maître F. Royanez,  avocat au Barreau de Nouméa et membre du Réseau LEXING, présent dans trente pays et spécialisé dans le droit des nouvelles technologies.

There are 1 comments

  1. Je pense que la technologie Blockchain va boulverser le monde financier que nous connaissons aujourd’hui. Outre la possibilité dans les mois et à venir la possibilité d’achat de produits diverses, ce qui séduira très certainement les utilisateurs est le coût quasi nul des transactions.

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